La grande course de Flanagan

 La grande course de Flanagan, Tom McNAB, Editions J'ai Lu


"C'est toujours le rythme qui tue, jamais la distance", Doc page 191.

Alors que l'Amérique s'effondre sous la crise de 1929, Charles C. Flanagan décide d'organiser une course à pied de 5063km à travers le pays qui réunit 2000 coureurs venus de soixante pays. Un pari qui semble fou mené par un homme tout aussi fou que ce Flanagan.

Flanagan : personnage désinhibé que se lance dans des projets où rien ne l'arrête : ni l'argent, ni l'avis des gens, ni la politique, un rêveur humaniste qui va jusqu'au bout de ce qui lui semble juste et bouscule les moeurs puritaines dans la vision de vie novatrice expansive qui lui appartient.



La grande course de Flanagan, c'est suivre l'organisation logistique, sociologique et tous les intérêts politiques (politique étatique, politique et hiérarchie sportives) derrière cette course hors du commun qui traverse les paysages et les saisons dans une époque bouleversée par la crise, bercée par la philosophie pseudo-sportive de De Coubertin (je me ferais flagellée par les pros olympiens en disant cela mais qu'importe).

C'est aussi vivre cette course en immersion dans un groupe de coureurs éclectiques constitué d'un vieux coureur expérimenté, de jeunes qui ont quitté leurs conditions de vie (d'ouvriers, de mineurs, de chômeurs, de voyous), d'une jeune femme qui bouscule l'accès au sport pour toutes ses comparses, d'un aristocrate qui prendra plaisir à transpirer avec des gens dont il ne soupçonnait même pas l'existence.

La grande course de Flanagan peut se lire selon plusieurs plans. Chacun y trouvera celui qui lui convient. Au début, j'ai aimé la sociologie qui en découlait, j'ai détesté Flanagan le voyant comme un exploitant des coureurs dans l'intérêt de se faire mousser et d'en tirer des recettes conséquentes. 
Et puis au fil du livre, j'y ai découvert les intérêts politiques autour du sport, et un Flanagan qui s'est battu pour qu'on reconnaisse ces femmes et ces hommes qui courent comme des athlètes et non comme des phénomènes de foire contrairement à la manière dont tous les bien-pensants les considéraient (uniquement parce que ces athlètes n'ont pas été choisis par ces bien-pensants comme c'est le cas pour les Jeux Olympiques).

Billet d'humeur : Cet ouvrage a ravivé chez moi ce pour quoi je m'investis en tant que chargée de développement associatif dans le domaine du sport et ce qui m'exaspère le plus : l'hyperhiérarchisation du sport et son instrumentalisation par des politiques qui ne connaissent rien aux humains qui font le sport. Ce qui était vrai en 1929, l'est toujours presque 100 ans plus tard...

Extrait :
Flanagan s'adressant à Tofler, membre de l'AAU (l'équivalent du Comité International Olympique), pages 534-535 :

"Permettez-moi de vous dire quelque chose parce que j'ai toujours voulu rencontrer un type de votre espèce face à face. Les gens comme vous n'aiment pas le sport ; vous aimez les comités, les réceptions, rencontrer le baron de Coubertin, serrer la main du président, faire l'important. Vous n'avez pas fait grand chose de votre vie, mais à l'AAU vous vous apercevez tout à coup que vous pouvez dire aux grands athlètes du monde où ils doivent aller et ce qu'ils doivent faire. Vous vous imaginez détenir un droit divin pour diriger le sport, disposer d'une sorte de monopole. Alors si un parvenu comme moi menace de gâcher vos réjouissances, on le coule ou on l'achète. Vous ne vivez pas dans le sport, vous vivez dessus".

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