Juste avant le bonheur

 

Juste avant le bonheur, Agnès Ledig, Pocket, 2015


Juste avant le bonheur, un titre qui a dû donner envie à Bibliovore de mettre en avant ce livre dans la partie "feel-good" de ses rayonnages, et c'est ainsi que je suis tombée dans ses filets.

Ce livre est tout simplement bouleversant et je pense qu'il sera gravé à vie dans ma mémoire. La raison principale de cette affirmation vient des personnages dépeints qui laissent entrevoir toute la force de leur humanité après avoir été fracassés : une reconstruction telle la technique de réparation japonaise du kintsugi. On recolle à l'or fin les pièces cassées, donnant à la pièce de porcelaine encore plus de valeur et de beauté après qu'avant.


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Julie est une jeune maman célibataire qui élève son fils Ludovic dit Lulu. Elle travaille dans un supermarché sous le joug d'un patron peu scrupuleux qui abuse de son statut hiérarchique. Une vie réglée "métro-boulot-dodo" et les moments de grâce sont ceux passés avec Lulu à se créer des histoires dans leur petit appartement.
Paul, la quarantaine d'écart avec Julie, passe à sa caisse en même temps qu'il voit passer l'ombre d'une larme dans son regard.

"Parfois dans la vie, on a le sentiment de croiser des gens du même univers que nous....Des extra-humains, différents des autres, qui vivent sur la même longueur d'onde, ou dans la même illusion. C'était mon impression aujourd'hui....Et ça fait du bien"

Quelques jours et beaucoup de réflexions plus tard, ils partiront ensemble en vacances en Bretagne : Julie et Lulu, Paul et son fils Jérôme. La Bretagne, c'est un peu la terre promise de l'introspection et de la connexion à soi. Jérôme y fait le deuil de la colère liée à la mort de sa femme, Julie le deuil de sa désillusion envers les hommes, et pour Paul et Lulu c'est une ouverture l'un à l'autre dans le partage des générations.

"Si Lulu a froid, il se collera instinctivement. Je sentirai sa peau toute douce, et je me bercerai dans sa respiration. Je suis sûre qu'elle sera en phase avec le bruit des vagues. Parce que c'est comme ça la vie. On cherche l'harmonie pour se faire du bien. Et pour supporter d'être les grains qui étouffent sous les autres"

Au retour de vacances, un véhicule les percute. Julie est blessée et Lulu l'est très gravement avant de mourir. Comme un imbriquement, Romain fait son entrée alors que Ludovic s'estompe.

"Parfois, c'est dur la vie, et parfois on n'y peut rien"


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Comment se reconstruire après le décès de son enfant ? Après qu'il ait été toute sa vie ? 
L'écriture d'Agnès Ledig est emprunte de la douceur des tripes, elle va chercher au plus profond pour combler d'or les blessures de l'âme à tel point qu'on trouverait que le titre est sybillin : "Juste avant le bonheur" : le bonheur était-il juste avant le drame d'une vie ? Ou bien le drame d'une vie déclenche-t-il le bonheur dans la résilience de l'épreuve ?


"Julie est assise sur un banc au pied d'un chêne. Elle observe ce vieil arbre, qui s'est enroulé autour d'une sangle, devenue trop serrée un jour, et que tout le monde a oublié d'enlever. Le chêne a bien du faire avec, lui. Il a poussé autour, par des excroissances biscornues. Il est un peu moins harmonieux que ses voisins, mais il est monté aussi haut. de loin, on ne voit pas la différence. Il ne ferait peut-être pas de belles planches, à la coupe, mais il fait de l'ombre autant que les autres. Et puis sa particularité le rend singulier, il est même devenu un lieu de rendez-vous, on le reconnait. C'est une référence".

 

Un titre aussi énigmatique que la Vie...


"La vie s'apparente à la mer. Il y a le bruit des vagues quand elles s'abattent sur la plage, et puis le silence d'après quand elles se retirent. Deux mouvements qui se croisent et s'entrecoupent sans discontinuer. L'un est rapide, violent, l'autre doux et lent. Vous aimeriez vous retirez dans le même silence des vagues, partir discrètement, vous faire oublier de la vie. Mais d'autres vagues arrivent, et arriveront encore et toujours. Parce que c'est ça, la vie... C'est le mouvement, c'est le rythme, le fracas parfois durant la tempête, et le doux clapotis quand tout est calme. Mais le clapotis quand même"


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