A la lumière du petit matin

 A la lumière du petit matin, Agnès Martin-Lugand, éditions Pocket, 2021




J'ai connu les ouvrages d'Agnès Martin-Lugand par une amie qui m'avait offert la Datcha et plus tard j'ai lu Nos Résiliences. Ses personnages féminins, sa manière de décrire leurs sentiments, la corrélation entre un évènement/un lieu/une émotion, sont vraiment la patte d'Agnès Martin Lugand.


Hortense, professeur de danse à Paris dans une école qu'elle dirige avec deux collègues, est la maîtresse d'Aymeric (homme marié, père de deux petites filles). Elle accepte cette situation depuis 3 ans et jongle entre ses cours, la rigueur hygiénique d'être danseuse et cet amant de deux jours par semaine pour qui elle aime passer du temps à se faire belle. 
La dissonance prend la forme d'une entorse qui l'amène à réfléchir tant sur sa vie professionnelle que sur sa vie d'amante.
Alors que la transformation s'opère d'abord dans la souffrance et de ce qui semble être un non-choix, elle se rendra compte de l'émergence du libre-arbitre et de l'apparition de l'envie. Ce changement d'énergie et cette prise de conscience l'amèneront à faire des choix de vie avec son coeur et dans sa conscience propre.



J'ai réellement aimé cet ouvrage. Il n'y a pas de hasard s'il était sur ma route. Il m'a ramené à l'épreuve que j'ai vécu.
Dans la première partie de l'oeuvre, j'ai détesté Hortense : "mais quelle mollesse !" "Comment ne voit-elle pas que son amant la prend pour un joujou ?" "Pourquoi rentre-t-elle dans son jeu alors qu'il n'y a aucune issue favorable pour elle ?" "Pourquoi se négative-t-elle en étant l'objet de ce mec ?".
Vraiment elle m'a saoulée avec son manque de prise de distance, son aveuglement, sa manière de vivre une vie à 100 à l'heure où rien ne lui correspond.
Et puis, j'ai compris : j'ai compris qu'elle m'agaçait car elle me renvoyait à mes souffrances. Cette vie à 100 à l'heure où tu fais les choses machinalement, pour faire plaisir, où tu deviens l'objet de tout le monde, l'aveuglement du tourbillon dans lequel tu es et qui ne te permet pas de te poser et de te demander : "qui suis-je ?", "qu'est-ce-que je veux, moi ?" "de quoi ai-je envie ?". 
Lors de la deuxième partie de l'ouvrage, je suis passée de celle qui juge à celle qui apprend. J'ai vu Hortense changer comme j'ai pu le faire, j'ai lu certaines personnes s'éloigner d'elle comme ça a été le cas pour moi et j'ai vu ses amis sincères rester vers elle et savoir même avant elle ce qui lui correspondait le mieux. 

Mais au final Hortense est en "avance" sur mon cheminement...

A la lumière du petit matin est l'histoire de l'avènement du moi et l'expression de son envie profonde
Merci Agnès Martin-Lugand de m'avoir touché en plein coeur...


Extrait, p 343 :
"Oui je jouais un rôle ; le rôle de la fille qui avait traversé le suicide de ses parents sans trop de dégâts, le rôle de la danseuse maîtresse d'un homme marié, le rôle de la prof un peu immature qui s'écrase face à ses partenaires, qui ne dit pas ce qu'elle veut parce qu'elle s'est mis en tête qu'on fait sa vie avec ses collègues. 
Je croyais devoir attendre de danser pour me retrouver ; en réalité, non. Je me retrouvais depuis que je m'étais blessée. A se demander si mon inconscient n'était pas responsable de ma chute. Je me sentais si mal durant cette soirée, si peu à ma place, si peu moi-même. Et depuis mon entorse, je m'étais dépouillée de toutes mes couches superposées, de tous mes costumes. Paris. L'école. Bertille et Sandro. Aymeric. Je ne courais plus. J'avais ralenti sans le vouloir et je marchais à mon rythme. Rien ni personne ne m'empêcheraient désormais de m'écouter".


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