Et ça te plaît ?

 



Ca fait longtemps que je n'ai rien écrit ici. Le dernier article était sur le paradoxe de Stockdale et lorsque je l'ai écrit, je ne savais pas que cette notion allait m'être utile quelques jours plus tard : l'optimisme pragmatique, l'ombre et la lumière d'une vie.

La raison de mon absence est le retour à l'emploi. Je pensais me mettre à mon compte et j'entreprenais les démarches en ce sens jusqu'à ce que je croise la route d'une association d'accompagnement socio-professionnel pour les travailleurs indépendants. J'y ai fait un stage, leur approche m'a plu, un poste de chargé de mission se libérait sur mon secteur, j'y ai réfléchi car ça changeait mes plans puis j'ai postulé. 
J'accède à un entretien non pas pour mon CV mais parce que j'ai fait un stage chez eux : s'il n'y avait eu que mon CV, je n'aurais pas passé le barrage de Pôle Emploi car mes diplômes n'étaient pas ceux attendus. Le parcours du stage m'aide à accéder à l'étape ultime et montre que cette association ne recrute pas que sur des diplômes mais aussi sur des personnalités. Super moment passé à l'entretien.

15 jours se passent et le directeur m'appelle pour me dire que je suis retenue pour le poste. 
Le même jour à 1h d'écart je sortais de chez l'oncologue car les marqueurs cancéreux continuent leur lente mais constante ascension et je lui disais qu'il valait mieux que je ne sois pas prise sur le poste sur lequel j'ai postulé au vu de ces résultats.... Que faire ? Stockdale en action....D'un côté on me propose un job, de l'autre je me sens comme une bagnole d'occasion dont on ne sait combien de kilomètres elle va tenir encore. 
Mon égo est flatté d'être retenu parmi les candidatures chevronnées et moins enthousiastes que la mienne, et mon pragmatisme me dit que ça va être compliqué tout ça.
Je joue carte sur table laissant "sa chance" à l'association de ne pas bénéficier d'une salariée en carton. Ils ne me lâchent pas et m'expliquent que cela ne remet pas en cause ce pourquoi je suis retenue (la version exacte : c'est 5 candidatures retenues à l'entretien, la moitié ont un manque cruel de motivation, les autres prônent la précision et lorsqu'on leur pose des questions précises, ils y répondent vaguement et donc il y a moi qui ai dû faire preuve de motivation et répondre précisément aux questions...).


2 semaines après, je prends la route du travail avec les semaines de 35 heures et plus (à celui qui s'exclame que "c'est rien 35 heures, moi j'en fais bien plus" : je te rappelle que ça fait deux ans que je n'ai pas travaillé même si je n'ai pas enfilé des perles pendant tout ce temps !), les déplacements (j'étais sédentaire dans mon ancien job), les ressources cognitives sollicitées au taquet (j'ai bossé 15 ans dans le sport et je bascule vers le social....rien à voir !). 
Dès le premier jour je sens que c'est dur : dur de tenir ce qui est un rythme normal de travail, dur de tenir la charge mentale et l'apport de connaissances dans un domaine où je ne connais pas grand chose pour ne pas dire R, dur de réorganiser brutalement ma vie de famille avec mes absences journalières qui font que chacun doit faire sa part sans y être habitué. 
Et puis 3 semaines après, il y a toujours tout ça et le parcours de santé qui s'ajoute : 3 RDV dans une semaine. Se dépêcher, prendre les RDV en dehors des heures de travail quand c'est possible (commencer le lundi avec une prise de sang à 7h, les vrais savent....), rattraper les heures quand je ne peux pas faire autrement avec les RDV en milieu de journée de travail, écouter le discours médical, le plan d'action et 5 minutes après switcher avec le travail et les problématiques.


Et puis cette semaine, ma kiné adorée me pose une question simple-basique, de celles qui restent ouvertes à toutes les réponses possibles et sans jugement : "est-ce que ça te plait ? ". Depuis ces dernières années, je me suis jurée de ne plus mentir même pour arranger les choses, j'applique alors ma "méthode" et je réponds "non".

Non, ça ne me plait pas d'être à balle H24 pour placer des RDV médicaux et la charge mentale de la maladie au quotidien,

Non ça ne me plait pas de devoir gérer toute la lourdeur médicale du suivi et des examens toujours plus invasifs quand on cherche de plus en plus,

Non ça ne me plait pas de me sentir incapable et incompétente dans un travail où j'ai tout à apprendre mais où il faut apporter avant que je me sente emplie de connaissances (je précise que je déteste lorsqu'on me dit "tu vas apprendre au fur et à mesure, ça va aller", quand en face de moi j'ai des personnes qui mettent de l'espoir en moi !),

Non ça ne me plait pas de ne plus avoir de "safe place" où je peux être dans un univers que je maitrise et où je peux relâcher un peu (chez moi c'est un champ de mines et au boulot c'est la jungle, il me reste donc mes 2h hebdomadaires de sport adapté en salle),

Non ça ne me plait pas.

Tout ça me relie à ma colère de vivre cette p***** de maladie et sa suite, 
Tout ça me relie à l'injustice qui m'amène à me relier à ma peur de ne pas être capable, de ne pas être compétente et à mes fardeaux transgénérationnels de la loyauté et du "il ne faut rien lâcher".

Quelques fois j'arrive à me relier à "mon grand moi" : celui qui est profondément sous les couches de peinture, celui qui me dit que ce que je ressens me donne la liberté d'être qui je suis, que je suis toujours en adéquation avec moi-même de pouvoir l'exprimer et que c'est comme ça que j'avancerai vers ce qui me plait.


La vie, c'est pas une gaufre les gars... Dommage parce que moi j'aime bien les gaufres et ça aurait été bien plus facile de bouffer la vie si elle avait été ainsi...

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Sans [re]père[s]

Papa...

La résilience, l'histoire de la maison