Le retour à la réalité : rentrer en permission à la maison





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20-21 mars 2021, 1er week-end post-hospitalisation... 1er week-end différent, en sachant, en cohabitant avec la maladie. 1er week-end où je vais la ramener à la maison, où je comprends qu'elle n'est pas juste "attachée" à l'hôpital mais où il va falloir vivre avec.

Le chirurgien me donne des autorisations de sortie que je choisis de placer comme bon me semble ayant juste à prévenir les soignants quand je souhaite partir et que je revienne vers 18h pour faire un point médical le soir. 
Je n'ai pas envie de me laisser envahir par les autres : je sens que ça ferait "plaisir" qu'on me voit les deux jours pleins mais je ne me sens ni la force, ni l'envie de faire plaisir. 
Je veux suivre mon bonhomme de chemin et me préserver. Je choisis alors de sortir le samedi et le dimanche après-midi après avoir pris mon repas (un bouillon...système digestif mis au repos, oblige...) et après un temps de calme (une sieste serait un grand mot, le sommeil ayant déserté le territoire depuis le jeudi de l'hospitalisation).
Mon mari vient donc me chercher et nous nous retrouvons chez nous. Etrangement je ne me souviens pas de l'après-midi du samedi. Mon beau-frère et ma belle-soeur étaient présents, mais je n'ai pas de souvenir de ce qui s'est dit.
La chambre implantable m'avait été posée le matin, peut-être n'étais-je pas encore tout à fait à moi-même quelques heures plus tard...

Je me souviens plus précisément de la journée du dimanche. 
Retour chez moi après mon fameux bouillon et temps de méditation. Vraiment très compliqué d'être chez soi et en même-temps spectatrice de la vie qui défile devant moi. 
Avant j'habitais là et je n'étais pas malade. J'y reviens et je suis malade. Est-ce ma maison, est-ce mon entourage, est-ce moi ? Puisqu'un paramètre énorme a changé, est-ce moi qui ai vécu cette expérience ?  La dissonance revient et me fait aller et venir comme une vague dans la mer... 
J'entends la famille (pour l'occasion parents, beaux-parents, belle-soeur, beau-frère sont présents) parler de tout et de rien, surtout en prenant soin de ne pas aborder LE sujet qui bouleverse tout le monde. Je suis là et pas là. Je ne sais plus qui je suis dans cet environnement que je connaissais. J'ai déjà tellement changé en quelques jours : des nuits sans sommeil, des pleurs, des bouillons, des kilos en moins, la découverte du milieu hospitalier, les examens, les opérations, vaccins, la vitalité en baisse, les cernes, toucher les tréfonds de ma vie, sa vacuité... Je ne sais pas de quoi tout le monde parlait, je m'en fichait, je ne connaissais plus cette vie.

La confrontation avec la réalité est finalement un grand flou : là mais pas là, j'entends sans écouter comme si rien ne me concernait, comme si je n'étais plus apte à réfléchir dans cette vie-là, comme si j'en étais spectatrice mais pas actrice : ramenez-moi à la clinique que je retrouve un statut que je n'ai plus dans ce qui était "chez moi", balayé par le mot "cancer" apparu quelques jours plus tard. Ramenez moi à la clinique où au moins je suis un numéro de dossier, un code barre sur un examen, mais où j'ai trouvé une identité dans ce monde annexe qui en quelques jours est devenu le seul que je reconnaissais et où je me reconnaissais.

Je me souviens juste d'avoir envoyé un message à ma petite nièce de coeur qui fêtait son anniversaire ce jour-là (en jouant sur les filtres pour ne pas lui faire peur...)

Le dimanche soir, je suis de retour barbouillée à la clinique... J'en discute avec le chirurgien, il décide qu'on arrête les liquides (hydratation par voie orale et bouillons), et on me pose une perfusion pour l'hydratation et la nutrition.

On se prépare pour la semaine décisive qui arrive : préparer l'éventuelle opération de pose de poche de colostomie, faire les derniers examens qui poseront le diagnostic définitif, attendre la RCP et mettre en oeuvre les suites médicales et chirurgies.

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