Quand il faut aller au pays du Bretzel, hello hepatectomie !

 

                      Une nouvelle phase de transformtion opère, s'opère....


Ce petit bout d'hôpital aménagé où la Nature accompagne les patients est la dernière image que j'aurai de l'hôpital de Strasbourg. J'aurai mis 15 jours à arriver jusqu'à lui en me "promenant" jusque là le dernier jour d'hospitalisation...



Après deux mois de superposition entre les cures de chimios et les RDV pour préparer mon opération (foie, vésicule, intestins) arrive le jour de la chirurgie.

Arrivée la veille, je fais mon entrée à l'hôpital en fêtant ça avec une prise de sang, une boisson laxative et plus tard avec deux lavements. Le digestif, c'est moche ....
Repas léger, méditation, préparation des affaires qui seront avec moi en soins intensifs et de celles qui partiront en consigne, j'arrive à passer une nuit correcte au vu du contexte.

Levée tôt, douche à la bétadine, quelques envois de SMS, coupure du téléphone, le mettre dans le paquetage et me voici partie dans la salle d'attente des blocs opératoires.

Faire abstraction du décor sans couleur, du sentiment d'inquiétude (de soi et de celui des autres), entendre cette petite mamie qui ne veut pas d'opération et veut rentrer chez elle (elle ne comprend pas ce qu'elle fait là et ce n'est pas elle qui a décidé, je comprends que son opération sera annulée...).

Arrivée au bloc, présentation rapide de l'anesthésiste que j'avais vu en consultation (mais avec une charlotte, des lunettes et en blouse, c'est vrai qu'il est nécessaire de s'humaniser en se présentant). Je sens que l'équipe est en retard sur le planning et que le mieux est que j'aille dans le sens de capter vite ce qu'on me dit. Masque, piqûre anesthésiante et c'est parti pour 5h30 sur la table où on procédera à une hepatectomie du côté gauche, à un carottage et de la radiofréquence sur le foie droit, au curage des ganglions, à une cholecystéctomie, au rétablissement de la continuité intestinale après ablation de la tumeur primaire. 
Le chirurgien a mené d'une main de maître toute cette série d'interventions en 1h de moins que ce qui était prévu.

Réveil environ 7 heures plus tard : 1er réflexe : je touche mon ventre pour vérifier que je n'ai plus de poche de colostomie, nickel !
Une infirmière m'explique que je suis en salle de réveil, que j'ai été transfusée car j'avais perdu beaucoup de sang, que j'ai été en tachycardie, puis ensuite que j'ai eu une chute de tension et que c'est pour cela qu'ils me gardent en surveillance. J'opine du chef avec ma SNG (Sonde Naso-Gastrique) en place et je me dis que le plus dur est passé parce que l'opération est faite !

J'ai très peu de souvenirs de ma 1ère nuit aux soins intensifs : je me souviens ne pas avoir eu de douleurs et que les infirmières venaient toutes les heures prendre les constantes...et du scope qui sonnait à chaque fois qu'une électrode se décollait, c'est à dire très souvent...

Dès le lendemain, on me transfère en position assise dans le fauteuil et là, à la joie d'avoir passé l'épreuve de l'opération, je comprends à la fatigue que j'ai d'avoir juste vécu un transfert lit-fauteuil et fauteuil-lit que c'est finalement maintenant que le plus dur est à faire.

Chaque jour ma patience a été mise à rude épreuve, chaque jour j'ai du aller chercher à l'intérieur de moi pour trouver la force d'aider à mes transferts, à réussir à me laver malgré la faiblesse de mon corps, malgré les nausées, d'aller marcher à J+3 10 petites minutes en étant à bout de force alors qu'une semaine avant j'avais pu randonner 7km dans les Alpes, à manquer de sommeil, à supporter les ajustements de traitement, les sueurs, le mal-être intérieur d'un corps qui ne sait plus où il en est. Mais tout ça sans douleurs physiques, juste des sensations....des sensations comme si je découvrais une autre couche de mon être, espèce d'intermédiaire entre le mental et le physique.
J'ai compris que là, j'allais avoir du travail, que là c'était de ma responsabilité de rester centrée, de ne pas me laisser envahir par les émotions pour cloisonner, me protéger et ne pas disjoncter de ne pouvoir maitriser. 

Aucune distraction dans le service, peu de forces pour lire (j'avais pourtant peur de n'avoir mis qu'un livre dans mon bardas de soins intensifs...), pas de télévision...uniquement l'humain, rien que l'humain (j'aurais pu dire : "le médical, rien que le médical" : mais non, c'est bien l'humain qui me distrayait et pouvait me permettre de rester dans la vie sans être sur une route parallèle). Ok, alors on va s'accrocher à ça pour se mettre sur le bon canal.
C'est ainsi que j'ai "participé" à chaque moment humain qui passait par là : pour lui donner de la consistance, de la matière et l'utiliser pour me nourrir en partant du principe que tout instant humain que je partagerais avec le personnel serait emprunt de bienveillance, d'Humanité et d'écoute. J'ai tenté de transférer ce que je recevais d'eux ou d'envoyer cela à ceux qui en manquaient...
A ma manière j'ai essayé d'y mettre du mien dans les manipulations en écoutant ce qu'on m'expliquait, en tentant de comprendre le cheminement pour que la prochaine fois ce soit plus facile, plus rapide, plus léger pour les soignants. J'ai aimé aussi discuté avec eux, connaitre la vie à l'extérieur du CHU, découvrir les particularités de leur région qu'est l'Alsace (même si nous n'habitons pas très loin, nous n'en connaissons pas le dialecte, les coutumes), j'ai aimé observer le caractère de chacun à travers ses gestes et me mettre sur le même canal pour partager un temps hors du temps présent où mes sensations étaient lourdes à porter.
J'ai aimé ce travail, prendre cette responsabilité et la liberté que cela me procurait même si c'était peu de temps chaque jour.
A nouveau dans un cadre donné, j'ai pu trouver de la liberté (c'était mon choix de prendre la responsabilité de participer à mes soins) et cette implication en tentant d'être à leurs côtés m'a permis de faire travailler mon cerveau pour qu'en terme de motricité je puisse comprendre exactement quel retentissement j'allais avoir sur ma rééducation physique.

Une semaine de soins intensifs à trouver d'autres échappatoires que celui des sensations et du physique, à orienter le mental pour qu'il calcule humainement comment m'adapter et ne pas péter un plomb de la longueur de ce temps de déconnexion.

Un scanner positif, un bouillon réintroduit, me voilà entrée dans le service conventionnel avec une chambre individuelle : l'espoir de pouvoir dormir et me reposer me gagne !
Après avoir pu reprendre forme humaine en me lavant moi-même des pieds à la tête, en ayant pu dormir un peu mieux, en ayant pu manger un peu plus consistant avec la reprise du transit, je vise la sortie d'hôpital ! 
Mais en pouvant bouger plus, je comprends que mon physique solide a pris du plomb dans l'aile : 1km de marche dans les couloirs = une sieste, me laver = une sieste, prendre un repas = ne pas savoir si je vais vomir ou si ça va passer... 
Les sensations font place au physique et là je prends conscience que je suis plus vers la sortie d'hôpital qu'une semaine avant mais je comprends aussi que la sortie ne va pas être simple.

Les jours s'égrènent au gré des changements de pansements, d'ablation de drains, de vérification de mon alimentation et finalement j'ai le droit de sortir pour rentrer chez moi...

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