Salut, ça va ?




18 mars -> 18 juin : 3 mois avec le cancer

3 mois après l'annonce fulgurante, j'ai eu envie d'écrire ce texte. Le déclencheur : les X fois où je sentais que les gens avaient peur de me poser la question de savoir comment j'allais...

"3 mois où mon statut est passé de Estelle, celle bosse en association, la femme de M, la mère de M à "tu sais, j'connais une fille à 40 ans, elle a un cancer de l'intestin avec métastases au foie et pourtant elle est sportive, elle a une bonne hygiène de vie, on aurait jamais pensé que..."
Ben ouais les gars, moi aussi "j'aurais jamais pensé que" mais c'est comme ça !
3 mois où le "salut, ça va?", enfin surtout le "ça va" on me le dit avec hésitation, voir on l'esquive totalement de peur de ne pas savoir quoi faire de la réponse que je vais donner...

Hahaha....suspense !

"Va-t-elle me sortir le couplet sur toutes les molécules qu'elle ingurgite ou va-t-elle hystériquement me sortir que tout va bien alors qu'elle est sous antidépresseurs ?"

Suspense intenable !

Eh bien je ne suis pas sous antidépresseurs et je ne raconterai pas non plus le couplet des molécules ingurgitées (les noms sont bien trop complexes et imprononçables). 
En fait, même avec une maladie, on est juste dans la vraie vie, on n'est pas sur une voie parallèle !
Alors comme tout le monde y a des jours où ça va et des jours où ça va moins bien, mais réduire "les jours de moins bien" à la maladie, c'est lui donner bien trop d'importance.

En effet, on peut juste être abattu, énervé, dépité parce qu'il n'y a plus rien dans le frigo, parce qu'on n'a pas le pain qu'on veut à la boulange...Bref la vie quoi !

Alors '"salut, ça va?" laissez-le-nous celui-là, posez cette foutue question qui nous donne la liberté de montrer qu'on est en vie !


En lisant ce texte que j'avais rédigé en juin 2021, il me fait penser à cet extrait de La consolation de l'Ange, de Frédéric Lenoir :
"Il y a trois choses fondamentales dans l'univers : la réalité, la conscience, et l'amour.
Si je devais résumer le sens de l'existence humaine en quelques mots, je dirais : tout le chemin de la vie, c'est de passer de l'inconscience à la conscience et de la peur à l'amour".

Poser cette foutue question, c'est pour l'élocuteur une manière de passer de l'inconscience de ce qui se passe, à la conscience qu'en face il y a un humain avec une histoire. C'est aussi pour celui qui reçoit le message la possibilité de passer l'inconscience collective, de sa négativité, à la conscience de son existence pour d'autres et qu'il est considéré dans son entièreté.  C'est passer pour chacun de la peur (de la réponse, de ne pas savoir quoi faire de ce qui sera dit, de ne pas savoir si on va s'inquiéter de nous) à l'amour.

"Dire" n'est pas juger, "dire" c'est permettre à l'autre de s'exprimer, c'est l'aimer comme il est et l'aider à s'aimer avec ses difficultés.

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