Les victorieuses

 Les victorieuses, Laëtitia Colombani, Le livre de poche, 2022




"Ecrivain public, les mots sont puissants. Ils sont des bombes à retardement. Solène reste longtemps devant l'intitulé de l'annonce. Un lien renvoie au site d'une association, La Plume solidaire. Sur la page d'accueil, la fonction d'écrivain public est détaillée : "professionnel(le) de la communication écrite, il ou elle répond aux demandes d'aide à la rédaction. Celles-ci peuvent être de différentes natures, concerner aussi bien des lettres personnelles que des courriers administratifs. Les compétences requises sont les suivantes : être polyvalent(e), maîtriser les règles de syntaxe, d'orthographe et de grammaire, avoir une aisance rédactionnelle, une bonne connaissance des instances administratives, maîtriser Internet et les logiciels de traitement de texte. Une formation juridique et économique est recommandée" (p25)


C'est en lisant cette petite annonce de bénévolat que Solène poussera les portes du Palais.
Les femmes qui habitent le Palais ont toutes surmonter de rudes épreuves : elles ont quitté leur pays en laissant derrière elles leurs enfants, elles ont quitté la rue, le froid, les viols, la misère, elle ont quitté un mari violent... 
Le Palais, c'est la douceur d'un toit sur une période plus moins longue, l'assurance d'être à l'abris et protégée. 

Mais toutes ces femmes gardent la rudesse des épreuves passées et les débuts de Solène avec Binta, Sumeya, Cvetana, Cynthia ou la Renée, sont difficiles et timides. Puis la confiance s'installe. Fait étrange : au départ Solène a pour mission de les aider, et puis on verra au fil du livre que les habitantes du Palais lui viendront en aide, signe d'une sororité emprunte d'un amour inconditionnel de l'Autre.


En parallèle à l'histoire de Solène, on fait un retour en arrière dans les années 1920 avec Blanche Peyron. La vie de Blanche nous amènera aux fondations du Palais à travers les actions de l'Armée du Salut, à toute l'histoire de cette association à travers cette femme qui s'y est pleinement investie et qui comme dernière oeuvre de sa vie sera l'instigatrice de la création du Palais de la Femme.


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Ce livre est extraordinaire, il est un des plus beaux que j'aie lu cette année. Laëtitia Colombani a une plume exceptionnelle qu'on connaissait déjà avec La Tresse (éditions Grasset, 2017). Il contient tout ce que j'aime : les destins croisés de femmes toutes différentes, toutes respectées et dépeintes pour ce qu'elles sont vraiment, la naissance des relations humaines avec leur liaisons-distorsions, l'histoire et beaucoup de douceur. 


"Dans le silence de la nuit, les mots lui sont venus, surgissant de nulle part, ils ont afflué par centaines, par milliers, se bousculant, se déversant par phrases entières sur le rivage de papier. Elle n'a pas eu grand-chose à faire. Elle les a laissé passer, se contentant de les ordonner, de leur apprendre les bonnes tournures, les bonnes manières-certains récalcitrants ont dû rentrer dans le rang. Il ne faudrait pas que Khalidou prenne peur en les voyant. Il ne faudrait pas que son père déchire le courrier" (p133)

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