La résilience, l'histoire de la maison

 


L'autre jour, je flânais sur les réseaux et je tombe sur un post dans lequel une personne expliquait sa journée. En bref, elle avait un RDV hyper-important qu'elle ne pouvait manquer sous aucun prétexte mais sa journée a commencé par une panne de réveil, suivie d'un pneu crevé sur sa voiture, elle décide de prendre le train, qui est en retard, loupe sa correspondance, prend un Uber, arrive en retard au boulot, mais coup de bol son RDV important est également en retard et finalement leur entretien se passe de la meilleure des façons. 
Et là, je lis dans les commentaires "oh, wahoouuuu ! Quelle belle résilience ! C'est impressionnant !".

Non mais "allooooo?" De quoi on parle là ? Ici, il n'y a aucune résilience : il s'agit de pragmatisme ! Arrêtons d'utiliser le terme de "résilience" à toutes les sauces sans connaitre ce qu'il veut dire et ce qu'il implique de processus !

Pour rappel, "résilience" vient du latin "resilio" qui veut littéralement dire "sauter en arrière" d'où "rebondir, résister". D'un point de vue psychologie : "la résilience est un phénomène psychologique qui consiste pour un individu affecté par un traumatisme, a prendre acte de l'évènement traumatique de manière à ne pas, ou plus, vivre dans le malheur et se reconstruire d'une façon socialement acceptable" (je n'aime pas l'expression "socialement acceptable" mais la définition est ainsi. Qu'est-ce qui est "socialement acceptable" ?😏).

On voit clairement qu'une adaptation à une panne de réveil et à un retard de train n'est pas un traumatisme et donc n'a rien à voir avec la résilience (sinon la SNCF serait un incubateur à résilients !😜).

Du coup, cette lecture foireuse de la résilience m'a inspirée une petite histoire :

Imagine ta maison brûle ou est emportée par une tempête. Tu as le droit de la reconstruire mais en lieu et place de la maison qui était, et avec ce qu'il reste. Il reste les fondations et une façade. Tu te creuses la tête et tu travailles d'arrache pied pour monter les murs brique par brique. Ce travail fastidieux pour lequel tu te consacres nuit et jour, à la fois pour y réfléchir et pour appliquer tes réflexions, t'isole des autres par le temps et l'énergie qu'il te demande.
Et puis ça y est après de longs mois, ta maison est remise sur pied : différente de la première mais elle te satisfait et tu as envie d'inviter famille et amis pour qu'ils la découvrent et la célèbrent. Toutefois, lors de la soirée, quelques invités te font remarquer que telle et telle pièce ne sont pas fonctionnelles, "qu'il faudrait" faire comme ceci ou comme cela, et puis les finitions sont un peu bâclées : une plinthe se décolle d'un côté, une barre de seuil traine dans un coin en attente indéfinie d'être posée.
Au départ de tout le monde, ces remarques te reviennent en tête et elles prennent toute la place. Tu ne vois qu'elles et tu te sens seul avec tout ce qu'il "faudrait faire", toi qui étais persuadé d'avoir fini l'étape de la reconstruction et t'apprêtait à prendre pleinement possession des lieux, de ton lieu.
Tu t'isoles à nouveau, tu réfléchis, tu ne sais pas par où commencer. Et puis un jour après "avoir laissé entrer" et "célébrer", tu te dis qu'il serait bien d'aller chercher de l'aide pour "partager" la charge que tu as sur les épaules
Alors tu vas voir un architecte et un décorateur d'intérieur : ils te donnent des idées, ça ouvre ton esprit à de nouvelles perspectives : tu descends une cloison, tu changes la déco, tu les rappelles quand tu as une hésitation et tu fais tiennes leurs idées pour construire un univers à ton image.
Alors tu réinvites famille et amis dans ta maison parfaitement imparfaite et parfaite pour toi-même et étrangement personne ne critique les finitions non finies ou l'ergonomie du lieu. Non pas que les travaux aient rendus le lieu meilleur ou plus fonctionnel, mais simplement parce que toi tu rayonnes du chemin parcouru pour construire ta demeure et que cette énergie nouvelle envahit toutes les pièces de ta maison et font avorter dans l'oeuf les remarques négatives.

C'est ça la résilience : construire à la suite d'un traumatisme en composant du nouveau avec de l'ancien, s'isoler, s'ouvrir, ne pas être prêt à "laisser entrer", s'isoler à nouveau, ressentir la charge mentale, se sentir envahit de "il faut", et puis un jour "aller vers", "partager" le fardeau, continuer à construire, être fier de soi et se laisser être en brillant de l'énergie nouvelle accumulée au fur et à mesure de sa construction.


★☆★☆

Je publierai prochainement un article sur le livre Les Lendemains de Mélissa Da Costa : un récit extraordinaire sur la résilience d'Amande, son héroïne.

Commentaires

  1. Belle histoire qui donne la "pêche " pour la journée !

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  2. Quel beau conte..tout y est pour comprendre avec empathie.

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