La Bibliothèque de Minuit

 


La Bibliothèque de Minuit, Matt Haig, Le Livre de Poche, 2022


Imagine : tu trouves ta vie difficile et sans intérêt. 
Imagine : déjà qu'elle est difficile et sans intérêt, tu perds ton chat, le seul être humain qui t'attendait le soir lorsque tu rentres du travail et qui t'apportait du réconfort. 
A cette perte s'ajoute celle de ton emploi "parce que tu n'es pas assez souriante et que tu fais fuir les clients"...

C'est ce que vit Nora, ce qu'elle vit avant d'en avoir marre de vivre et de décider de stopper sa vie en se bourrant de médocs pour atterrir dans...une bibliothèque...La Bibliothèque de Minuit.

Elle y retrouve Madame Elm, la bibliothécaire de son collège. Une Madame Elm en tout point identique mais qui n'est pas Madame Elm, tout comme cette bibliothèque n'a rien d'une bibliothèque. Elle est une zone intermédiaire entre la vie et la mort, métaphore d'une vie avant minuit, d'un passage à la bibliothèque à 00:00:00, et d'une autre vie à minuit 00:00:01.
Dans ces étagères, les livres sont des possibles vies et comme index, le Livre des Regrets qui consigne tout ce que Nora regrette dans son ancienne vie.
La Bibliothèque de Minuit, c'est la possibilité d'effacer chaque regret en essayant une nouvelle vie : Nora essaye ainsi une vie où son chat ne meurt pas, une vie où elle devient glaciologue, une vie où elle n'a pas quitté le groupe de musique dans lequel elle jouait...

"La seule façon d'apprendre, c'est de vivre" 

Au fur et à mesure que les regrets s'effacent, elle prend conscience que chaque petites choses qu'elle transforme dans une de ses possibles vies implique d'autres changements tel l'effet papillon. Elle navigue dans le métavers selon les lois de la physique quantique cherchant une vie qu'elle souhaite idéale, un chemin qui soit plus facile que celui qu'elle a vécu jusque là.


" Je crois que ce n'est pas facile d'imaginer qu'il y a des chemins plus faciles, dit-elle en prenant conscience de quelque chose pour la première fois. Mais peut-être qu'il n'y a pas de chemins faciles. Il n'y a que des chemins (....) et on passe tellement de temps à regretter de ne pas avoir vécu une autre vie, à se comparer aux autres ou à d'autres versions de soi-même, alors qu'en réalité la plupart des vies contiennent un certain pourcentage de bien ou de mal".

★☆★☆


Ce livre rappelle les essentiels d'une vie :

- chaque action, même minime, amène son lot de changements jusqu'aux majeurs : le mouvement fait partie de la vie,

- chaque vie est faite de bon et de moins bon : chacun fait partie du tissu de son opposé,

- chaque vie possède son lot de bien et de moins bien : c'est inhérent à la vie même,

- à chaque instant on a la possibilité de changer son regard sur le monde et de faire évoluer sa vie : chacun le peut pour lui-même, chacun a ce pouvoir.


"Il y a des schémas de vie... des rythmes. C'est tellement facile, quand on est piégé dans une seule et unique vie, d'imaginer que les moments de tristesse, de tragédie, d'échec, d'angoisse résultent de cette existence spécifique. Que c'est un produit dérivé du fait de vivre d'une certaine façon, plutôt qu'un corollaire de la vie, tout simplement".


Ce livre est une ode à vivre pleinement chaque épreuve de vie que nous traversons. Même si nous n'en voyons pas la morale dans la période inconfortable que l'on vit (car on se souvient plutôt des mauvais moments passés que de ceux qui semblent "faciles"), tout inconfort est à vivre à 100% car il est la vie et qu'il n'y a rien à regretter quand on vit tout pleinement.


"Mais le problème, ce n'est pas les vies qu'on regrette de ne pas vivre. C'est le regret même. C'est le regret qui nous fait nous recroqueviller sur nous-même, nous ratatiner et nous sentir comme notre pire ennemi et celui des autres".


★☆★☆

Il n'y a jamais de hasard dans la vie : j'ai chiné ce livre dans une bouquinerie qui n'est pas du tout spécialisée dans les livres "feel-good". Il était tout seul, posé dans une grande bibliothèque pleine de classiques. 

C'était une semaine avant que je commence le nouveau cycle de chimio. Une première cure qui m'a totalement décapée. 
Je me suis demandée si j'allais arriver à remonter la pente comprenant que cette première chimio me faisait vivre ce que je redoutais le plus : ne pas réussir à récupérer ce que j'avais mis deux ans à reconstruire : la forme physique et intellectuelle. 
Les regrets ont afflué, la victimisation, l'injustice, la colère comme compagnons. J'ai toujours très peur de perdre ce que j'ai mis du temps à reconstruire mais je comprends aussi que si j'ai quelque chose à perdre, c'est parce que j'y tiens.

"Levons occasionnellement les yeux de l'endroit où nous sommes, parce que où que l'on soit, le ciel au-dessus de nous est infini".


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