Seconde vie

"Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n'en as qu'une", 
Raphaëlle Giordano


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18 mars 2021, le jour où tout a changé. Le jour où j'ai commencé à toucher les profondeur de l'âme en même temps que j'ai rencontré les profondeurs de la vie et sa vacuité. Le jour où j'ai commencé à comprendre que chaque instant a une consistance et que vivre c'est la percevoir, l'absorber et s'en nourrir.

18 mars 2021, un examen médical me propulse dans le monde des blouses blanches, des antiseptiques, de la chirurgie, des traitements de chimiothérapie. A l'aube de mes 40 ans, la vie m'offre un cancer colorectal métastasé au foie. On met le paquet, tant qu'à faire ! 

Des nuits d'effroi à osciller entre un mental qui reste focus sur les informations médicales transmises, et le black-out d'un trop plein d'informations qui semblent irréelles tellement l'annonce est soudaine et percutante. 



S'en suit la dissonance...
Dissonance du corps qui fait éclore sa souffrance alors qu'il n'en avait manifesté que peu de signes auparavant, et de l'esprit qui prend conscience de tout ce qu'il y a à faire. L'un explose, l'autre implose...
Dissonance et allées-venues entre conscience et inconscience : conscience de ce qui se joue, inconscience à ne pas vouloir voir ce qui se joue. Schizophrénie du yin et du yang...

4 jours où toutes les informations médicales tombent les unes après les autres,
4 jours où l'esprit reste alerte et écoute, absorbe le parcours à suivre, 
4 jours où le corps comprend qu'on l'a enfin entendu et lâche pour faire ressortir le mal-à-dit, 
4 jours où j'oscille entre l'idée que je vais mourir et celle où on ne m'a pas non plus dit que j'allais mourir demain, donc que peut-être j'ai un délai pour faire "quelque chose",
4 jours où j'ai connu la sensation de sortir de mon corps tellement la masse d'informations était lourde et inenvisageable à entendre il y a seulement quelques jours, l'impression qu'on parlait d'une autre que moi puis revenir dans son corps et se rendre compte que c'était de moi dont il s'agit, vivre et mourir à chaque instant...
4 jours où le jour j'avais la tête sur les épaules, où la nuit je l'avais dans les mains, où quand on me rendait visite j'étais en vie, quand j'étais seule je n'entendais plus que le en-pire.

Aller et venir tels les mouvements d'une vague dans l'océan de la vie : partir au large et revenir s'échouer...

Et puis un jour corps et esprit se sont réunis. J'ai compris de cette sonate que je ne mourrais pas demain, que j'avais encore des choses à faire pour me soigner et vivre de beaux moments à travers les plus sombres. 
La résilience était là : celle qui permet d'entendre les informations de manière juste, être à sa place en complétude,  et de vivre les évènements comme ils arrivent et sans jugement. La naissance d'un amour inconditionnel pour soi.
De là, j'ai trouvé dans l'écriture une manière d'ancrer les émotions et les sensations dans la matière, d'emplir les instants pour les figer le temps d'un courant d'air, d'être au plus proche de mon vaisseau-mère.

Mon premier écrit sera posté sur Instagram® pour annoncer aux "amis" d'une manière métaphorique (j'y utilise la métaphore du triathlon car nous baignons dans ce milieu sportif) l'épreuve que je traverse et les sentiments qui me subjuguent. J'ai paramètré le post de manière à ce qu'on ne puisse pas écrire de commentaires car j'ai eu juste envie de donner et je ne suis clairement pas armée et prête à recevoir les manifestations de soutien d'autres personnes. L'ancrage est en cours mais il n'est pas abouti, il y a encore des failles dans le système qu'il me faut combler pour accepter le donner-recevoir.

    "IRONWOMAN#1 Alors que le calendrier des courses est incertain, moi j'ai chopé un slot pour mon 1er Ironman.

Mais bim, je ne pensais pas avoir tous les points alors là j'y vais comme ça, sans préparation, à poil....on m'a dit qu'on me filerait le matos nécessaire pour finir la course. J'ai donc retiré mon dossard à la chambre (implantante) après avoir fait mon inscription aux bureaux des entrées de l'organisateur PFC et passé la batterie de tests physiques.

Après présentation de la plaquette publicitaire de l'épreuve pour m'expliquer le parcours, les bifurques, les difficultés, les zones de ravito, et m'expliquer que le drafting est autorisé car le circuit est fermé pour l'occasion, je vais devoir dérouler kil après kil avec le matos de confiance de mes partenaires.

On appelle mon numéro pour accéder à l'aire de départ. J'entends les "charriots de feu" et les applaudissements. J'y vais mais j'ai peur : j'espère que les ravitos, les paysages et les encouragements jalonneront tout au long de l'épreuve pour voir un jour la ligne d'arrivée.

#fuckcancer #cancercolorectal #sportpourlavie #ironwoman #ironman #lifestyle".


J'ai continué à écrire et créer...Oui CREER ! Un mot nouveau pour moi qui pensais qu'on crée uniquement quand on est un "artiste". Une seconde vie où j'apprends le lâcher-prise en la découverte d'horizons et de possibilités inexplorées.


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